L'Obstiné : "Le flic qui n'abandonne jamais"

La question que tout le monde lui pose, et la réponse qui dérange

"Qu'est-ce que ça fait de questionner une personne assise près de vous et dont vous savez à 100% qu'elle est un tueur ?" Cette question, Raphaël Nedilko l'entend tout le temps. Et sa réponse pourrait vous surprendre.

Loin de l'image du flic impassible des séries télé, cet enquêteur d'exception a bâti sa réputation sur une approche révolutionnaire : remettre l'humain au cœur de chaque enquête. Résultat ? Des cold cases résolus après des décennies d'impasse, des familles enfin apaisées, et un parcours aussi inspirant que bouleversant.

Le mantra d'un enquêteur hors norme : "Remettre l'humain au cœur"

"Tant qu'on ne remettra pas l'humain au cœur de nos équations, on ne s'en sortira pas."

Cette phrase, Raphaël Nedilko la répète comme un mantra. Pour lui, c'est précisément cette approche empathique qui l'a mené à résoudre deux cold cases après vingt-cinq et dix-huit ans de mystère.

Accusé parfois de trop s'impliquer émotionnellement, il rétorque avec la sagesse de l'expérience : c'est justement cette hyper-sensibilité qui le pousse à ne jamais rien lâcher. Une obsession pour la vérité, certes, mais une obsession guidée par l'empathie.

Cette approche l'amène à maintenir des relations privilégiées avec les familles des victimes, bien au-delà de la clôture officielle des dossiers. "Ce sont des gens extrêmement proches pour lesquels j'ai un respect infini et qui m'ont apporté bien plus que je ne leur ai donné", confie-t-il.

Un parcours atypique : du 19e arrondissement au 36 Quai des Orfèvres

Les premiers pas parisiens

Raphaël Nedilko ne s'est pas improvisé enquêteur du jour au lendemain. Son parcours débute au commissariat du 19e arrondissement de Paris, puis au sein d'une brigade d'information de voie publique. Un apprentissage sur le terrain, entre manifestations et expulsions, qui forge son caractère et sa compréhension des réalités sociales.

L'entrée prestigieuse au 36 Quai des Orfèvres

En 2001, il franchit un cap décisif en intégrant la légendaire brigade criminelle du 36 Quai des Orfèvres. Et ici, une anecdote savoureuse : pour y arriver, il a bénéficié du soutien... d'un pâtissier ! Grâce à l'appui de son ami Philippe Conticini, le célèbre chef pâtissier, et de l'officier Francis Béchet, il rejoint ce service d'élite. La preuve qu'un bon réseau ne se limite pas aux profils LinkedIn !

Pendant sept ans, il y forge sa méthode rigoureuse, acquérant une expertise qui deviendra sa marque de fabrique.

La révélation à Dijon : l'appel des cold cases

C'est en 2008, à la Police Judiciaire de Dijon, que Nedilko trouve sa véritable vocation. Il se plonge dans le dossier glacant des "disparues de l'A6", des meurtres de jeunes femmes restés impunis pendant des années. C'est là que sa ténacité légendaire prend tout son sens et qu'il développe son expertise unique dans la résolution des affaires oubliées.

Ses plus grands succès : quand l'impossible devient possible

L'affaire Christelle Maillery (1986) : 31 coups de couteau et 25 ans d'attente

En 1986, Christelle Maillery, 16 ans, est sauvagement poignardée à 31 reprises. L'affaire semble perdue d'avance : les scellés sont détruits, le dossier est un véritable champ de ruines. Mais Nedilko ne lâche rien.

Travaillant souvent sur son temps libre, il réexamine chaque témoignage, la moindre preuve. Un travail de fourmi d'une minutie incroyable qui porte finalement ses fruits des décennies plus tard.

L'affaire Christelle Blétry (1996) : 123 coups de couteau et la ténacité payante

1996, Christelle Blétry, 20 ans, est assassinée avec une violence inouïe : 123 coups de couteau. Enquêteur minutieux et opiniâtre, plus Columbo marchant au flair et à la psychologie que « technoflic » ne jurant que par les investigations scientifiques, Nedilko reprend l'enquête avec sa méthode unique, menant en 2014 aux aveux du coupable, Pascal Jardin.

Ces succès remarquables, il les a obtenus malgré les doutes de sa hiérarchie, le manque de soutien institutionnel et un investissement personnel colossal. Un véritable chevalier solitaire de la justice !

Le prix de l'obstination : quand le corps dit stop

Les tensions professionnelles

Le parcours de Nedilko n'a pas été un long fleuve tranquille. Son approche humaine, souvent hors des sentiers battus, a créé des tensions avec sa hiérarchie et certains collègues. Alors que la plupart des cold cases sont classés sans suite, lui s'acharne, souvent sur son temps personnel, "remuant ciel et terre".

On lui a reproché d'insérer trop "d'humain" dans des enquêtes judiciaires, ce qui était perçu comme une perte d'objectivité. Mais pour lui, le problème venait justement du fait qu'on avait "viré l'humain de l'équation" dans la gestion de la justice.

Le prix personnel d'un engagement total

Cet investissement sans limite a eu des conséquences dramatiques sur sa vie personnelle : divorce, burn- out, et infarctus du myocarde. Le corps et l'esprit ont fini par dire "stop" face à cette pression constante et

à cette immersion dans l'horreur.

Mais même dans l'épreuve, la résilience de Nedilko impressionne. Les familles qu'il avait aidées lui ont rendu la pareille, se proposant spontanément pour le transporter à ses séances de rééducation cardiaque. Une preuve éclatante que l'humanité qu'il met au cœur de son travail lui revient au centuple.

"L'Obstiné" : les confessions d'un flic pas comme les autres

En 2023, Raphaël Nedilko a coécrit avec Catherine Siguret un livre essentiel : "L'Obstiné - Confessions du flic qui exhume les cold cases". Cette histoire vraie d'un enquêteur hors norme qui a fait de son métier un sacerdoce dépasse le simple récit d'enquêtes.

C'est une immersion dans l'esprit d'un homme qui se bat pour que l'oubli ne gagne jamais, un témoignage poignant sur la réalité du travail policier et l'importance de ne jamais abandonner les victimes.

La question à un million : interroger un tueur, qu'est-ce que ça fait vraiment ?

"Qu'est-ce que ça fait de questionner une personne assise près de vous et dont vous savez à 100% qu'elle est un tueur : est-ce effrayant, satisfaisant, avez-vous envie de lui faire du mal ?"

Cette question, tout le monde la lui pose. Et connaissant l'approche de Nedilko, sa réponse est probablement plus complexe qu'on ne l'imagine.

Pas de peur classique, mais une détermination froide

Pour un homme qui place l'empathie au centre de son travail, le sentiment dominant n'est probablement pas la peur au sens classique, ni une satisfaction malsaine. Face à un tueur, Nedilko ressentirait avant tout une forme de détermination froide.

Pas l'envie de faire du mal - cela irait à l'encontre de ses principes - mais une concentration intense sur l'objectif : obtenir la vérité pour les victimes et leurs familles. L'empathie qu'il porte aux victimes se transforme en une forme de rage silencieuse contre l'injustice, une force motrice pour arracher les aveux ou les preuves.

Justice, pas vengeance

Il n'y a probablement pas de "satisfaction" au sens joyeux du terme, mais plutôt un sentiment de devoir accompli, de justice rendue. C'est l'aboutissement d'un combat acharné contre l'oubli et le déni, un moment où les pièces du puzzle macabre s'assemblent enfin.

Pour Nedilko, interroger un tueur n'est pas un acte de vengeance, mais une étape cruciale dans la restauration de l'équilibre. Une mission accomplie pour honorer la mémoire des victimes et apaiser la douleur de leurs proches.

L'héritage d'un enquêteur d'exception

Raphaël Nedilko incarne une vision révolutionnaire de l'enquête judiciaire, où la ténacité se conjugue avec une profonde humanité. Malgré les difficultés et le fait qu'il ait fallu prendre sur son temps personnel pour résoudre ces affaires, son parcours reste une source d'inspiration extraordinaire.

Il prouve qu'avec de l'obstination, de l'empathie et une foi inébranlable en la justice, même les affaires les plus désespérées peuvent trouver leur résolution. Plus qu'un "super-flic", c'est un homme qui nous rappelle que derrière chaque dossier se cachent des êtres humains qui méritent la vérité.

Son message est clair : tant qu'on ne remettra pas l'humain au cœur de nos équations, on ne s'en sortira pas. Et c'est peut-être là la leçon la plus importante de son parcours exceptionne

Pour en savoir plus avec :

Le livre de Raphaël Nedilko : https://biolinks.heropost.io/lobstine

Top interview sur la chaîne de Fabrice Midal : https://youtu.be/lz7-YQJ9DIw?si=NyvdwfiBpzxMOWbv