Quand l'inaction est aussi une action !
Un homme victime de harcèlement sexuel, ça se tait!
Un Homme, ou une victime, n'ose pas en parler pendant des mois. Paralysé entre l'envie de réagir violemment et la peur d'être jugé, il se retrouve incapable d'agir comme il le souhaiterait, terrorisé par la perspective de tout perdre ou d'être accusé de violence.
Voici une histoire Belge, qui mérite d'être racontée, une interview effectuée pour le blog de MenStuffs et qui est ici résumée aussi factuellement que j'ai pu le faire.
Mais, une réalité dans l'industrie concernant ce collaborateur "malmené"
Voici son histoire.
Le contexte: la sidérurgique, un milieu traditionnellement masculin.
Les protagonistes: un harceleur sexuel et sa victime.
Les faits: plaisanteries graveleuses en public, incitations gestuelles et verbales à caractère sexuel, attouchements sur les parties génitales au vue de tous, dessins obscènes sur les cahiers de travail, un approche dans le douches... Un calvaire qui a duré des mois.
Bien entendu, l'interviewé que je nomerais par soucis de discrétion "la victime" a sommé à plusieurs reprises son agresseur de cesser immédiatement ces comportements inacceptables.
Un jour, après une énième demande d'arrêter, l'agresseur s'est approché à quelques centimètres de son visage et l'a provoqué : "Vas-y, frappe-moi, comme ça je pourrai rentrer chez moi !"
Heureusement, la victime ne souhaitant pas entrer dans un engrenage de violence physique s'est maîtrisée, comprenant que le harceleur cherchait peut-être justement à provoquer une réaction violente pour ensuite porter plainte dans un cadre professionnel.
L'effarante minimisation institutionnelle
Suivant des conseils bienveillants, la victime a finalement rompu son silence et parlé à son responsable direct, puis à sa direction.
La réponse ? Une minimisation des faits :
"Tu as attendu un peu longtemps pour réagir... On a convoqué ton harceleur et on lui a demandé d'arrêter. Tout cela ne sont que des plaisanteries entre hommes et comme il a arrêté, tout va bien !"
Des plaisanteries entre hommes...
Cette qualification est particulièrement révélatrice : lorsqu'un homme est harcelé sexuellement par un autre homme, l'impact psychologique est systématiquement minimisé et taxé de simples "plaisanteries entre hommes", comme si la souffrance masculine n'avait pas droit à la même considération.
Entre noous, ce n'est pas la première fois que j'entends ce genre d'histoire, revenons en à notre iinterviewé.
Pourtant, la victime n'avait pas pu en parler pendant des mois, cachant sa réalité à ses proches. Durant cette période, il avait tenté d'arrêter les agissements de son harceleur, sans succès, ce dernier revenant sans cesse à la charge avec des comportements déplacés qui n'ont certainement pas leur place dans un contexte professionnel.
Dans le cadre d'une procédure informelle instaurée par la direction, la victime a fait appel à la personne de confiance de l'entreprise qui a tenu le même discours : puisque le harceleur a cessé suite à l'intervention de la direction, tout est réglé !
Les conséquences dévastatrices
La réalité quotidienne est toute autre :
- un sentiment de culpabilité face à son incapacité à réagir
- L'absence de soutien de la part de la direction
- La connaissance que d'autres collaborateurs ont subi des "plaisanteries salaces" du même harceleur, en silence, sans repporter cela à leur direction et sans que cela ne prenne la même ampleur
Malgré ses plaintes répétées devant l'absence de réaction adéquate, on l'a simplement dirigé vers un conseiller en prévention des aspects psychosociaux et "gratifié" de six séances de psychothérapie "offertes" par l'entreprise.
Un engagement professionnel bafoué
Cet homme, autrefois dévoué à son travail au point de s'y rendre avec un doigt cassé ou une main brûlée à la demande de sa hiérarchie, (pour ne pas apparaître dans les statistique des AM) se retrouve aujourd'hui sans force pour affronter un environnement qui refuse de le reconnaître comme victime et où il devra quotidiennement côtoyer son agresseur, lors de son retour au travail.
La victime craint en un tel cas maintenant de perdre le contrôle et de réagir violemment, bien que la violence ne soit pas dans sa nature.
Désorienté, il ne comprend pas comment une société peut reconnaître une femme comme victime, mais pas un homme.
"Si j'avais fait cela à une femme, j'aurais été renvoyé immédiatement." me dit il...
La triple peine de la victime
Le plus révoltant dans cette situation est la triple peine infligée à la victime :
1.Des dommages psychologiques profonds: traumatisme, anxiété, dépression, perte d'estime de soi
2.Une mise à l'écart professionnelle: c'est lui, la victime, qui doit s'éloigner de son lieu de travail
3.Une sanction financière conséquente: son arrêt maladie entraîne une perte de salaire (prime mensuelles etc.)qui va surement être dramatique pour son équilibre financier.
Pendant ce temps, le harceleur, lui, n'a reçu aucune sanction réelle, n'a pas été changé d'équipe, et continue de percevoir son salaire à taux plein.
En cas de retour au travail, la victime sera inévitablement confrontée quotidiennement à son agresseur, perpétuant ainsi le traumatisme.
Il ne peut envisager cela.
Le parcours médical et l'isolement
Initialement réticent à se confier à son médecin par peur d'être jugé, il a finalement trouvé en lui une oreille attentive. Ce dernier, prenant l'affaire au sérieux contrairement à l'entreprise, l'a mis en arrêt de travail tout d'abord quize jours, puis un mois ét demi.
Désormais, il erre sans but, les larmes aux yeux, le regard triste, tentant de dissimuler sa détresse. Lui qui était habituellement joyeux et positif en rêve la nuit, ne dort plus et se réveille en pleurant.
L'attente sans espoir
Sans espoir après plus d'un mois et demi d'attente d'une réaction de la direction, confronté à un responsable qui lui dit : "Il ne faut pas te mettre en arrêt maladie pour cela !", il est conscient que son retour au travail pourrait déclencher une réaction violente face au regard provocateur de son agresseur.
Il se sent sale, humilié, et envisage parfois des pensées sombres, sans oser franchir le pas.
Sa situation financière se dégrade avec un salaire fortement diminué pendant son arrêt de travail.
Il regrette d'avoir écouté sa direction qui lui a demandé de ne pas porter plainte, de ne pas contacter le numéro prévu à cet effet et surtout de ne pas solliciter les syndicats.
L'étouffement institutionnel
Aujourd'hui, il réalise que personne ne réagira, que cette affaire sera passée sous silence, étouffée. Dans ce monde d'hommes, on lui fait comprendre que ce genre de problème "n'existe pas".
Une question cruciale
Alors, quand l'inaction devient une réaction, n'est-ce pas une incitation au pire ?
Les conséquences sont dévastatrices : perte de confiance en soi, silences pesants, regard abattu, dégoût de soi-même...
Le tout face à l'indifférence d'une direction pleinement informée des faits.
Et vous, qu'en pensez-vous ? Comment réagissent vos RH face à cela?